La Cour de cassation vient de lever le voile sur la règle secrète de l’assurance décennale. Mais êtes-vous certain de maîtriser les tenants et aboutissants de cette protection cruciale pour vos travaux ? Plongeons ensemble dans les méandres de cette assurance fondamentale pour tout professionnel du bâtiment.
La décision de la Cour de cassation sur l’assurance décennale
La Cour de cassation a rendu une décision le 30 mai 2024, qui a été publiée au Bulletin. Cette décision est importante car elle permet enfin de connaître la règle secrète de l’assurance décennale. Deux principes clés doivent être retenus de cette décision :
- La garantie de l’assurance décennale ne s’applique aux dommages causés à l’ouvrage existant que dans le cas d’une indivisibilité technique des deux ouvrages et si cette indivisibilité découle de l’incorporation totale de l’existant dans le neuf.
- Les dommages subis par l’ouvrage existant ne sont pas garantis lorsque c’est l’ouvrage neuf qui vient s’y incorporer.
Un nouveau regard sur l’interprétation de l’article L. 243-1-1 du Code des assurances
Cette décision de la Cour de cassation permet de clarifier l’interprétation de l’article L. 243-1-1 du Code des assurances. Cette disposition a été introduite en 2005 pour encadrer l’assurance construction obligatoire et éviter une jurisprudence trop étendue concernant les ouvrages existants.
Selon cette disposition, les assurances obligatoires ne s’appliquent pas aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, sauf s’ils sont totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et deviennent techniquement indivisibles.
Une réponse à une double question d’interprétation
Depuis 2005, une double question d’interprétation concernant l’obligation d’assurance des ouvrages existants subsistait. Est-ce que cette obligation repose sur deux conditions (incorporation totale et indivisibilité technique) ou est-ce qu’il s’agit en réalité d’une seule condition, l’incorporation totale découlant de l’indivisibilité technique ? De plus, est-ce que l’incorporation peut aller dans les deux sens, c’est-à-dire que l’ouvrage neuf peut s’incorporer dans l’existant ?
La Cour de cassation a pu répondre à ces questions grâce à un nouveau pourvoi. Selon cette réponse, les deux conditions (incorporation totale et indivisibilité technique) sont cumulatives et l’incorporation doit être à sens unique, c’est-à-dire que c’est l’existant qui doit s’incorporer dans le neuf.
Une couverture pour les ouvrages exclus de l’obligation d’assurance
Il est important de noter que les ouvrages exclus de l’obligation d’assurance ne sont pas dépourvus de couverture. L’État a passé une convention avec les assureurs en 2005, dans laquelle ceux-ci s’engagent notamment à proposer systématiquement une garantie dommages aux ouvrages existants.
Des difficultés d’interprétation persistent
Malgré cette décision de la Cour de cassation, des difficultés d’interprétation subsistent concernant l’article L. 243-1-1 du Code des assurances. Notamment, la notion d’incorporation n’est pas définie de manière précise. Il peut y avoir une nuance entre incorporer et envelopper. Par exemple, les rénovations récentes de murs rideaux en façade peuvent envelopper le cœur en béton des tours de La Défense, mais est-ce qu’il y a pour autant incorporation ? Cela risque d’être encore débattu.
En conclusion, il est essentiel pour les professionnels du bâtiment de bien comprendre la règle secrète de l’assurance décennale suite à la décision de la Cour de cassation. Cela leur permettra d’ajuster leur pratique et de s’assurer d’une couverture adéquate pour leurs travaux, tout en évitant les litiges liés à l’interprétation de l’article L. 243-1-1 du Code des assurances.