Les chefs d’entreprise dans les territoires d’Outre-mer font face à des défis sans précédent en matière d’assurance contre le risque d’émeutes. Les récentes violences sociales et les événements perturbateurs ont conduit de nombreuses compagnies d’assurance à restreindre ou à annuler leurs couvertures, laissant les professionnels dans une situation économique fragile. Les pertes financières s’élèvent à des sommes colossales, et des solutions pour protéger les biens et l’activité des entreprises restent à définir.
Des dommages financiers considérables
Selon les estimations de France Assureurs, les dégâts causés par les récentes émeutes dans des territoires tels que la Nouvelle-Calédonie sont évalués à environ 1 milliard d’euros, où 96 % de ces dommages touchent les entreprises et les professionnels. Les chiffres annoncés par Allianz parlent d’une facture qui pourrait atteindre entre 1 et 1,5 milliard d’euros. Les sinistrés, pour la plupart des chefs d’entreprise, attendent encore d’être indemnisés, alors que les pertes s’accumulent.
Les conséquences de la perte de garanties
Un aspect particulièrement préoccupant de la situation actuelle est la disparition de la garantie spécifiquement dédiée aux « émeutes et mouvements populaires ». Cette couverture, qui permettait aux commerçants et aux entrepreneurs de compenser les pertes liées à des actes de vandalisme dirigés contre leurs locaux, est de plus en plus écartée par les assureurs. Nicole Moreau, présidente de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) en Nouvelle-Calédonie, souligne que cette situation compromet gravement l’avenir du tissu économique local. Elle évoque les difficultés à obtenir des prêts auprès des banques, car l’absence d’assurance rend les entreprises inéligibles à un soutien financier.
Un phénomène à l’échelle régionale
Cette problématique n’est pas unique à la Nouvelle-Calédonie. Dans les Antilles, des assureurs tels que Allianz et Groupama ont également décidé d’exclure la couverture des risques liés aux émeutes pour les entreprises, tandis que Generali a arrêté de souscrire de nouveaux contrats. Cette décision résulte d’une vision des assureurs qui considère que les émeutes ne relèvent plus de l’aléa, mais d’une réalité répétitive et prévisible, échappant ainsi à leur champ de couverture, comme le rappelle Céline Rose, présidente de la CPME Martinique.
Les collectivités locales à la croisée des chemins
Au-delà des entreprises, les collectivités locales en Outre-mer se retrouvent également confrontées à ce défi de taille. En métropole, le phénomène a déjà soulevé des préoccupations similaires, qui rappellent les enjeux liés aux risques climatiques. Les assureurs gèrent les indemnités liées aux catastrophes naturelles grâce à la Caisse centrale de réassurance (CCR), fondée sur une taxe prélevée sur les contrats d’assurance. Pour le risque d’émeute, plusieurs voix se font entendre pour étendre ce champ d’action à la CCR, ce qui pourrait permettre aux collectivités locales de bénéficier à nouveau d’une couverture adaptée.
Vers un cadre législatif renforcé
Face à cette situation complexe, des propositions émergent pour redéfinir le cadre des assurances en Outre-mer. Un rapport sénatorial a recommandé de prendre en charge le risque d’émeute au sein de la CCR, afin d’assurer une protection adéquate pour les entreprises. De plus, l’Association des maires de France plaide pour élargir les garanties du dispositif Gareat, qui couvre les actes de terrorisme, aux violences urbaines, une demande également soutenue par la CPME pour sécuriser les intérêts économiques.
Des actions en justice pour des solutions durables
Dans un contexte d’angoisse croissante concernant la pérennité de l’assurance en Outre-mer, des démarches judiciaires témoignent de l’urgence de la situation. Generali France a ainsi annoncé son intention de poursuivre l’État en justice pour obtenir un remboursement des sommes versées à ses clients en Nouvelle-Calédonie, soutenant que l’obligation de maintenir l’ordre revient aux pouvoirs publics. Ce développement indique non seulement une situation délicate pour les assureurs, mais un besoin pressing de revoir la politique d’assurance face à des risques de plus en plus fréquents.